Tout d’abord, le roman intitulé L’air du monde est un texte qui s’étend sur 210 pages, fruit de l’imagination de l’écrivain Victor Kathémo. Ce texte a été édité chez Myriapode. Il s’agit d’un récit original, porté par une plume poétique et précise, comme la lame d’un chirurgien. Le lecteur découvre un narrateur dépassé par les évènements, mis en examen pour pédophilie.
Une proximité entre le lecteur et le narrateur
Un des plus grands atouts de cette œuvre est la proximité entre le lecteur et le narrateur. En fait, la personne qui lit cette intrigue est directement mêlée aux phénomènes, car elle se glisse dans le rôle d’un juge. Ce procédé évoque fortement les pièces de théâtre classique comme les travaux de Molière, où les individus prennent à part le public en tant que complices d’une scène sordide ou bien pour démasquer les projets honteux d’un antagoniste.
L’air du monde par Victor Kathémo
Le narrateur de l’air du monde est un homme de 46 ans appelé Jérôme Jauréguy. Divorcé et solitaire, il se balade et observe les gens sous un œil attentif. Très contemplatives, toutes ses pensées sont exprimées, sans retenue. Pour cet homme visiblement très bavard, il convient de croiser sa propre histoire à celle des autres. Pour cette personnalité qui se démarque considérablement de la masse, il importe de révéler comment et pourquoi il en est venu à commettre « cet acte ». D’ailleurs, Victor Kathémo maîtrise à la perfection le sens du suspense. Puisqu’il a fait le choix de donner une responsabilité au lecteur, il lui donne également envie de tourner les pages et de ne pas interrompre cette lecture passionnante et toujours changeante. Pour son héros, tout allait plutôt bien : il avait une femme, Sabine, un emploi à l’imprimerie et des voyages en Italie…
La solitude du personnage
Mais le divorce sonne comme la fin d’une ère. Il vit aujourd’hui dans un vieil appartement insalubre, ne jouissant que de sa propre compagnie, qui devient de plus en plus sinistre. Soumis au vide existentiel, ce personnage tombe petit à petit dans la maladie mentale. À proximité de chez lui, une école semble lui procurer un vague sentiment de bien-être. Les rires des enfants lui rappellent le sien, dont il n’a pas pu s’occuper. Ainsi, il s’échappe de son malaise et réussit à se fabriquer un remède temporaire contre l’ennui, la lassitude…
Une plume qui décrit parfaitement les émotions
Mais qui est vraiment Jérôme ? Est-il coupable du crime qu’on lui reproche ? Pour lui, la vie est loin de correspondre à la définition d’un fleuve tranquille. Quand il ne se tourmente pas sur les informations nauséabondes au sujet des guerres, c’est sa santé qui en pâtit. L’auteur a pris soin de changer de style au gré des émotions de son personnage. Avec sa plume très délicate et riche, l’écrivain n’hésite pas à tomber dans le graveleux et la vulgarité, lorsqu’il s’agit de mettre en lumière l’aveuglante souffrance, alors qu’il se fait hospitaliser. Quand son esprit se déconnecte et qu’il cède à la rage, la pulsion d’autodestruction s’invite dans la partie. Entre ses petites histoires de vie, le protagoniste se rapproche parfois de légendes terribles, qui font froid dans le dos. Comme le triste sort de Jean-Marie Mazou, qui s’était épris d’une prostituée immigrée. Pour cet homme qui travaillait pour la brigade des mœurs, cette romance a tout bouleversé : lui qui était réputé pour son abus de pouvoir et son racisme non assumé, sa vision de l’existence s’en est retrouvée chamboulée…
Un sensibilité profonde de Jérôme
Est-ce que les rencontres éphémères avec les femmes lui permettront de panser ses plaies et de combler ce manque qui se creuse, de plus en plus dans son cœur meurtri ? Jérôme est à l’image de tout un pan de personnes abasourdie, dégoûtée par l’aspect d’un monde toujours plus noir, où le soleil ne brille pas. Une conclusion dramatique qui ne laisse rien présager de bon, quant à l’issue de cette histoire à la fois poétique, engagée et douloureuse. Une chose est sûre : la grande sensibilité de ce protagoniste entraîne évidemment des répercussions catastrophiques…
Une lecture passionnante
L’auteur et le cerveau derrière le projet de l’air du monde réussissent à présenter une histoire passionnante, dans laquelle le lecteur se plonge corps et âme. Entre les récits de personnages totalement différents que l’on retrouve au Mexique, à Bordeaux en France, dans le Finistère ou bien en Orient, l’écrivain semble s’être mis en tête de traiter les réactions sordides du monde face à la dépression et à la crise. Toutes ces « anecdotes » à la chute douloureuse évoquent des personnages différents, qui ont tous réagi d’une manière ou d’une autre face à la pression d’une société corrompue, où l’effusion de sang s’est muée en habitude. En conclusion, l’air du monde offre une lecture inoubliable, avec une forme extrêmement pointue et travaillée concernant le style et l’expression de son auteur, qui régale son lectorat grâce à des références artistiques savoureuses et classiques.
Le site de l’auteur : http://victor-kathemo.com/